Carnet de route

Sainte Victoire : la bien nommée ? (Mai 2014)

Le 29/06/2020 par Vincent Vita

Chaque grimpeur connaît, au moins une fois dans sa vie, l’expérience d’une journée catastrophe et d’un retour de grande voie à la frontale.

Nous le savions. Nous en avions discuté la veille au soir, nous en avions même ri… Alors pourquoi le lendemain sommes-nous tous partis sans frontale…

Le lendemain, donc, nous (les valeureux grimpeurs du stage Calanques, cru 2014) avions décidé de partir à la conquête de la Sainte Victoire. 

14 longueurs en deux parties, terrain montagne, peu équipé. 

Mais quoté assez facile.

Notre victoire à nous : atteindre la croix !

Lever : 5h30. Départ : 6h40. 

Dix grimpeurs, quatre cordées. Au taquet.

Lever du soleil.

Après une marche d’approche dont le dénivelé nous a vite fait oublier la fraîcheur matinale, gros doute sur l’attaque de la voie. Vincent, d’une foulée de trailer, fait moults aller-retour pour finalement revenir au point de départ. On y va, on verra bien.

Départ de la première cordée : 9h00

David, en tête, progresse lentement (c’est louche, c’est du 5…) Arrivé au premier point, il s’aperçoit qu’il a oublié ses coinceurs à terre. Merde, d’après le topo : voies exposées, coinceurs obligatoires. Il décide de continuer quand même. Tous les yeux sont rivés sur lui. Les dérangements intestinaux se multiplient.

La dernière cordée, celle de Vincent, prend le départ plus d’une heure et demie plus tard.

La progression est très lente et les attentes aux relais sont interminables… plus d’une heure au relais de la terrasse ! On se refroidit, on se déconcentre, on s’interroge… on invente des jeux débiles (Guy et moi comptons les piscines au sol qui se révèlent au gré de l’altitude comme des petites gommettes bleues sorties de la pinède… la vue est exceptionnelle, grandiose…)

Dans la voie, c’est un festival : 

-un relais suspendu où l’on aurait pu poser le pied sur une grosse pierre pour se stabiliser ; problème : la pierre d’une cinquantaine de kilos menace de tomber à tout moment

-David fait tomber un mousqueton

-les talkies captent aussi bien des grutiers que des italo-chinois ou un mec qui veut notre « QTH » pour nous « répertorier sur internet » ( ?!?)

Il est plus de 13h30 quand nous terminons la première partie et rejoignons enfin les autres pour la gamelle. Enfin nous, pas Guy.Parce que lui sa gamelle, il l’a oubliée ce matin dans le frigo. 

Il est plus de 14h00. On ne trouve ni l’attaque de la deuxième partie, ni le tracé jaune qui nous permettrait d’atteindre la croix en mode rando. On arrête, on commence la descente en free style.

On se retrouve coincés dans un monstrueux pierrier parsemé de ronces et de dalles glissantes. On monte, on descend. On remonte, on redescend. David et Vincent cherchent des issues, font des points GPS. Chaque tentative nous mène au vide.

Soudain, un hélicoptère se dirige vers nous et géo stationne près de la croix comme en attente d’un appel au secours. 

Tout le monde y pense, personne ne bouge. 

Il repart (dommage, j’aurais pas été contre un petit tour en hélico moi…)

On décide de retourner à l’endroit où l’on a mangé pour reprendre à zéro. Toujours à la recherche du tracé jaune. Rien.

17h30 : on décide de finir la voie.

Le festival reprend. 

Claire part en baskets, Julien perd une dégaine…

Nico, premier de cordée, est déjà plus haut, et après s’être fait une grosse frayeur (normal, on n’est pas dans la bonne voie…) arrive tant bien que mal à son relais… qui est constitué d’une fine lunule et d’un arbuste mort.

Une heure s’est déjà écoulée et les deux dernières cordées sont toujours au sol.

Vincent a les yeux rivés sur sa montre, il est à deux doigts d’exploser sous la pression du stress.

On fait le point : dans deux heures la nuit tombe.

Finir l’escalade de nuit (et sans frontale, rappelez-vous) : non.

Redescendre en rappel (on est à plus de 700 m d’altitude) : non.

L’ordre est donné : tout le monde redescend !

Mais qu’est-ce qu’on va devenir ? J’ai même pas pris mon pyjama !!

En contre-bas sur la droite, il y a un pierrier. 

Ludo et Vincent partent en mission repérage, c’est notre dernière chance. Soudain les talkies (un brin parasités, rappelez-vous) relayent le soulagement de Vincent : « j’ai vu la trace verte !» 

Soulagement Ô combien partagé… car on ne sait pas encore que la trace verte marque le sentier de rando qui monte à la croix (j’ai bien dit « qui monte » parce que nous, là, on va le redescendre…)

La deuxième cordée réussit à s’échapper par un sentier. La première cordée doit redescendre en rappel. David vient en aide à Nico… il aurait pas dû. En rappelant la corde, elle se coince dans une fissure ! Il faut faire une remontée sur toute la longueur de la corde pour la récupérer. Tirage à la courte paille, c’est David qui s’y colle (d’un commun accord, on lui valide son niveau 4 !)

On entame la descente : sentiers glissants, moulinettes et désescalade.

Coucher du soleil.

Quand soudain, le Graal ! Le chemin (la terre ferme, enfin) est à quelques mètres au-dessous-de nous. Vincent y jette sa corde, tourne la tête de quelques degrés et se retrouve face à une plaquette… et merde, fallait mouliner… 

Sur le chemin, c’est la descente au pas de charge, on court presque.

21h00 : arrivée au parking. La nuit tombe.

La montagne, ça vous gagne (surtout au bout de treize heures)

Le retour, c’est n’importe quoi : Vincent roule à 90 sur l’autoroute (dans sa voiture qui fume tout noir), on fait un arrêt frein à main devant une pizzeria par miracle encore ouverte (ben oui, ce soir normalement c’était resto, mais bizarrement les plans ont changé), Vincent repart sans allumer ses phares et doit quand même mettre son GPS, perdu à 2 minutes du chalet (dont il connaît la route par cœur)

Ce soir là, l’apéro a fait mal… et les pizzas ont eu mal.

Je terminerai par la citation d’un célèbre inconnu :

« La Sainte Victoire, c’est du terrain montagne pour y monter, pour y grimper, et pour en redescendre… mais quelle vue ! »

Je rajouterai simplement… et quelle(s) émotion(s) !

… et rendez-vous l’année prochaine à la croix… avis aux amateurs !!!!!







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